23/05/2007
CAHIER D'UN RETOUR AU PAYS NATAL
M. M. /L'humanité

Quinzaine des réalisateurs . Des obsèques villageoises sont le prétexte à la peinture d'une Turquie entre tradition et modernité.

Sur un chemin de campagne, un long plan fixe immortalise la lente marche d'une vieille dame. Lorsqu'elle sort du cadre, un travelling prend son temps pour l'y ramener. À nouveau fixe, le plan séquence s'achève avec la sortie définitive du personnage de l'écran. Dès l'entame, le style de Semih Kaplanoglu est posé. Il rappelle furieusement celui de Nuri Bilge Ceylan, l'auteur du remarqué Uzak.
Le récit nous conduit sur les traces de Yusuf, bouquiniste et poète installé à Istanbul. Il rejoint son village natal pour assister à l'enterrement de sa mère. Là, il rencontre Ayla, la jeune femme qui vivait avec sa mère depuis des années. Entre les deux êtres, le rapport ténu qui s'insinue est appelé à mourir dans l'oeuf avec le retour rapide de Yusuf pour Istanbul. Mais cette volonté de partir au plus vite se heurte rapidement au poids d'une culpabilité nourrie par les dernières volontés que feu sa mère lui demande, par la voix d'Ayla, de respecter.
D'une lenteur assumée, Egg déroule le fil d'une histoire linéaire. En apparence, le propos se contente d'évoquer les conséquences de la filiation. Derrière cette vacuité apparente, le cinéma de Kaplanoglu est bien plus ambitieux que cela. Il nous parle avant tout de notre époque. Par petites touches, il évoque l'exode rural, le désir d'aller voir ailleurs, conjugué au mal du pays, les rapports entre les générations ou encore la place des femmes dans la société. Il décrit une Turquie qui tente entre traditions et modernité de faire cohabiter deux mondes. C'est au détour d'un regard, d'une parole d'apparence anodine que le récit progresse. Chez Kaplanoglu, tout est suggéré. Et si l'on peut regretter un sentiment de déjà-vu, trouver facile un choix narratif peu risqué, on se laisse facilement emporter par la beauté d'images qui nous plonge dans une langueur apaisante tout en laissant par moments l'humour s'immiscer de manière impromptue.

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